Candidat à l’élection présidentielle du 07 octobre prochain, Me Akere Muna est mal parti dans une affaire qui l’oppose à sa sœur cadette Ama Tutu Muna. Après avoir été débarqué de l’administration des biens de la famille Muna par une décision de justice, il risque la peine de prison ce 25 Septembre pour déclarations mensongères, dissimulation de procédure, faux et d'usage de faux en écriture privée et du commerce…
L’Audience du 11 septembre 2018 aura permis d’exploiter dans le fond, les éléments du dossier de la procédure opposant l’ex-bâtonnier de l’ordre des Avocats au Barreau du Cameroun, Me Akere Muna à sa sœur Ama Tutu Muna, par ailleurs ancien ministre des arts et de la culture. A l’ouverture de l’audience préalablement renvoyée pour continuation des débats, la partie civile constate que le prévenu a saisi le tribunal par voie administrative les 09 et 10 Septembre 2018 pour demander le renvoi, en violation de la règle de confraternité qui exige que notification d’une telle démarche soit faite aux avocats de la partie adverse. Les Avocats du Prévenu n’auraient pas daigné passer le moindre coup de fil à leurs confrères d'en face pour leur éviter un déplacement inutile.
En sollicitant une remise de cause, les avocats de la défense ont pris pour motif la campagne électorale en vue de l'élection présidentielle pour laquelle le prévenu Akere est engagé. Or, le lancement de ladite campagne n'est prévu qu'à partir de 22 Septembre 2018. Me Akere était ainsi absent du box alors que la partie civile était bien présente. Le bâtonnier Eta Bessong a tenté laconiquement de soutenir cette demande de renvoi. Prenant la parole pour leurs observations, Me Fotso Kamdem Fostine, Me Zogo et Me Ngompe, Avocats d’Ama Tutu Muna, ont tour à tour dénoncé l’attitude peu courtoise adoptée par la partie adverse. Et c’est Me Fotso qui s’est d’abord chargée de leur rappeler le caractère équitable de la justice, et le fait que le respect du confrère devrait être une règle inaliénable.
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Elle s'est exprimée dans la langue de Shakespeare pour mieux répliquer aux allégations du past Batonnier Eta Bessong : « Justice is equity, justice is also right to respect the opposing colleagues and law should be applies for everyone » a-t-elle mentionné. Elle a demandé au juge de rejeter sans désemparer cette demande inopportune. Me Zogo et Me Ngompé ont, dans la même lancée plaidés pour le rejet de cette demande de renvoi jugé fantaisiste et dépourvu de tout fondement légal. Abordant la question dans le même sens, les observations du parquetier Ngo Samuel ont été sans appel : continuation des débats pour en finir enfin. Prenant la parole, le juge Joël Bias conduisant le collège des magistrats, a rejeté la demande formulée par Me Akere Muna.
Sur la culpabilité du prévenu
Reprenant la parole pour ses réquisitions au fond, le Procureur Ngo Samuel a brièvement rappelé les faits. Il a démontré de bout en bout comment le prévenu s'est livré à des manœuvres de déclarations mensongères, de dissimulation de procédure, de faux et d'usage de faux en écriture privée et du commerce, faits bien matérialisés par des preuves admises au dossier. Le Ministère Public s'est appuyé sur la signature imitée d’Ama Tutu Muna, apposée sur le procès-verbal du conseil de famille présenté à l’autorité pour certification de conformité par le prévenu Akere. Il a aussi pris appui sur le rapport d’expertise graphologique admis dans le dossier de procédure et a conclu que le prévenu est bel et bien coupable. Il a terminé en demandant au Tribunal la condamnation du prévenu pour les faits qui lui sont reprochés. Le président de la collégialité a repassé la parole aux avocats de la partie civile pour leurs Plaidoiries. Hon. Dr Fotso Fostine, chef de file des avocats de Ama Tutu, a de prime abord a salué les brillantes réquisitions du Procureur Ngo Samuel avant de préciser " qu'un Avocat sans courage n'est qu'un simple fonctionnaire". Elle a restitué brillamment les faits en expliquant comment la victime a été accusée injustement d’avoir assisté au Conseil de famille et d'avoir signé le procès-verbal dudit conseil.
L’Avocate a indiqué que ces manœuvres correspondent au délit de déclarations mensongères, infraction réprimandée par l’article 162 alinéa 1 du code pénal camerounais, qui punit d'un emprisonnement de 15 jours à 3 Mois et d'une amende de 5000 à 50 000 fcfa tout contrevenant. Le Dr Fotso a par ailleurs démontré comment le Prévenu Akere a dissimulé la procédure, cachant tout à Dame Ama Tutu Muna, puisqu’aucune convocation ne lui a jamais été servie, tant pour la tenue du conseil de famille, que pour la procédure de jugement d’hérédité. Elle a renchérit que l’article 167 du code pénal qui punit de 3 mois à 2 ans d'emprisonnement et d'une amende de 20 000 à 1 000 000FCFA ou de l'une de ces 2 peines s'appliquent à tout contrevenant.
Enfin, Me Fotso a démontré de bout en bout pourquoi c'est le prévenu qui est poursuivi pour l’infraction de faux et non l'un de ses frères. Sur ce point elle a indiqué que c'est le nom du prévenu Akere T. Muna qui figurait sur le cachet de la prétendue certification de conformité du Procès verbal de Conseil de famille. Ainsi le prévenu est comptable de la grossière imitation de la signature de la victime et de la fabrication du cachet de la gendarmerie. Elle s’est également appuyée sur le rapport d’expertise graphologique, travail de l'homme de l'art Nzié Paul, Expert Graphologique agréé à la Cour d'Appel du Centre et désigné par une ordonnance du Président de la juridiction de céans, obtenue par voie gracieuse; non contesté par la partie adverse, car aucune demande de contre expertise n'a été formulée par le prévenu qui s'est contenté le 14 Août 2018 après l'acceptation dudit rapport comme pièce à conviction, de demander simplement une remise de cause.
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Me Fotso a enfin indiqué que le faux et usage de faux en écriture privée ou de commerce est sanctionné par l’article 314 du code pénal, qui punit d'un emprisonnement de 3 ans à 8 ans et d'une amende de 50 000 à 1 000 000FCFA tout contrevenant. Elle a conclu que le juge civil en rétractant le jugement d'hérédité No 399 du 22 juillet 2002 en date du 07 juin 2018 pour faux avait déjà vidé l'objet de la saisine en cours de débats, a précisé que le cas Akere est un cas d'école et que le juge devrait condamner sans état d'âme le prévenu coupable des délits suscités. Me Zogo a très brillamment plaidé dans le même sens en convoquant 3 célèbres plaideurs. " 50 Avocats de renom contre 3 Petits Avocats sans noms, n’ayant rien que le bon droit et leur courage comme armes" a t’il mentionné. C’est le doyen Me Ngompe qui, majestueusement a clôturé les plaidoiries.
Tout en félicitant le Président Joël Bias pour son courage, Me André Ngompé a mentionné : "Nous sommes fiers d’avoir plaidé face aux doyens du Barreau, face aux éminents past Bâtonniers. Morts ou vivants, nous auront inscrits nos noms en lettres d’or au Barreau camerounais". Le juge a déclaré les débats clos en dépit d'un curieux document que brandissait désespérément le past Bâtonnier Eta Bessong en réclamant la parole. L'affaire a été mise en délibéré pour jugement devant être rendu le 25 Septembre 2018. Une audience qui pourra être fatale pour l’ancien bâtonnier, à deux semaines de la présidentielle dont il est candidat. En rappel, le 14 Août 2018, il a été débarqué déjà de l’administration des biens de la famille Muna pour mauvaise gestion et tricherie.